Pratiques respectueuses de la sélection naturelle 

Constat

La sélection naturelle est implacable mais redoutablement efficace.

 

Transmission des gènes 

Dans le monde du vivant, la reproduction a pour seul but la pérennisation de l'espèce par la reproduction et la recombinaison génétique des individus qui la composent.

Pour l'abeille elle se fait de deux façons différentes:

  • par recombinaison génétique, la voie maternelle, en engendrant de jeunes reines qui porteront la moitié de ses gènes;
  • par dispersion de ses gènes, les mâles engendrés par la reine possèdent son patrimoine génétique exclusivement et sont donc l'appareil reproducteur mâle de leur mère; 

la reine est donc reproducteur mâle et femelle .

 

Sélection par élimination

On pense, souvent à tort, que la nature sélectionne les individus les plus forts et élimine les autres mais à y regarder de plus près, c'est bien plus subtil que cela.

La nature offre à chaque recombinaison génétique "individu" une chance de se reproduire pour peu qu'il atteigne la maturité sexuelle, préservant ainsi une grande diversité génétique tout en ne gardant pas les individus incapables de survivre dans leur milieu.

 

Concrètement 

Dans la nature, une colonie, qui a à sa tête une jeune reine, est le fruit de deux colonies arrivées à leur maturité sexuelle dont les lignées ont su s'adapter depuis de nombreuses générations aux conditions de vie de l'endroit:   

  • par la voie maternelle femelle, la reine mère a fait preuve de ses capacités à s'accoupler, à prendre la tête de sa colonie, la faire prospérer au moins une année complète et l'avoir amenée à "sa maturité sexuelle" femelle : l'essaimage.
  •  par la voie maternelle mâle, la reine qui a fourni les mâles (appareil reproducteur de celle -ci) est une reine ayant fait preuve de ses capacités à s'accoupler, à prendre la tête de sa colonie et à lui avoir fait passer au moins un hiver. 

 

La jeune reine en ponte a fait preuve de sa capacité à s'accoupler et va devoir faire ses preuves (pertinence de cette combinaison génétique) en amenant sa colonie à :

  • sa maturité sexuelle mâle c'est-à-dire passer l'hiver dans des conditions telles que la colonie soit capable de fournir une grande quantité de mâles vigoureux au printemps;
  • sa maturité sexuelle femelle, la colonie atteint sa maturité sexuelle femelle après deux hivernages. La jeune reine deviendra la reine-mère et conduira sa colonie à l'essaimage.

 

Le rôle des mâles

Les mâles sont les organes reproducteurs de la reine. Ils  participent activement au brassage génétique mais aussi à la sélection directe car leur nombre est impressionnant par rapport au nombre de reines à féconder; seuls les plus vigoureux arriveront à leur fin, ainsi les mâles issus de colonies faibles, carencées ou malades ont peu de chances de se reproduire.

Pistes de réflexion pour une sélection rationnelle 

Dans nos régions la sélection cent pourcents naturelle est devenue illusoire mais, puisque nous sommes contraints à intervenir, il faut le faire avec modestie et détermination en s'inspirant de la nature : 

  • en sélectionnant par élimination des extrêmes plutôt que de reproduire à outrance les quelques "meilleures" génétiques;
  • en faisant de la sélection massale qui se base sur le résultat plutôt que sur la sélection génétique qui est spéculative et aboutit souvent à une perte de diversité;
  • en gardant uniquement les colonies viables de façon autonome ou presque;
  • en gardant les reines au moins jusqu'à l'essaimage voire plus;
  • en ne recourant que de façon exceptionnelle à l'élevage et à la fécondation artificielle de reines;
  • en n'important ni reines ni essaims;
  • en s'opposant à la transhumance.

 

Abeille locale, se réapproprier son apiculture.
 

Pour la plupart des éleveurs et sélectionneurs, les principaux critères de sélection sont la productivité, la douceur, la tenue au cadre, la faible propension à essaimer, à propoliser et à construire des bâtisses folles. 

Tous ces critères sont des critères de confort pour l'apiculteur moderne mais ils vont à l'encontre de la nature de l'abeille.

Un stockage disproportionné de réserves est préjudiciable à l'équilibre de la colonie, l'inadéquation du développement du couvain par rapport à la saison et aux besoins de la colonie l'est tout autant.

L'essaimage est vital pour la survie de l'espèce, non seulement afin de multiplier les colonies mais aussi et surtout pour le brassage génétique et la sélection naturelle qu'il engendre; ces deux derniers points sont particulièrement mis à mal par l'apiculture intensive.

La propolis est sans conteste avec la diversité florale un élément clef de la santé et de la vitalité de la ruche; éliminer les colonies propolisseuses c'est encore aller à l'encontre de la nature de l'abeille.

Enfin, ce que l'on appelle "bâtisse folle", c'est la tentative désespérée de l'abeille de stabiliser le flux d'air. Nos ruches modernes sont un non-sens pour la  thermorégulation de la colonie et éliminer ce réflexe va tout autant contre l'intérêt de l'abeille.

Si on ajoute à cela les conditions d'élevage industriel des reines et le principe qu'une reine correspond à un écotype et est inféodée à son milieu, il ne faut pas s'étonner que les colonies se portent mal et meurent de façon disproportionnée.

 

Sélectionner l'abeille locale de manière raisonnée, ne pas prélever les produits de la ruche à l'excès, assurer sa descendance via l'essaimage et la fécondation naturelle rendent toute sa noblesse à l'apiculture et à l'apiculteur qui s'érige ainsi en protecteur de la biodiversité et en garant de la transmission d'un patrimoine et de son savoir-faire. 

Si l'apiculteur n'y prend garde, il deviendra, comme l'agriculteur, un maillon d'une chaîne qui le dépasse et il sera asservi aux dictats de la normalisation et de la technocratie.